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Le pouvoir de sortir de la place qui nous a été assignée


Pour la semaine du Podcasthon, pendant laquelle plusieurs podcasts se rassemblent pour mettre en avant une association. j'ai décidé de mettre en lumière Féminisme Populaire, qui a pour objectif d'agir pour l'autonomie et l'émancipation de toutes les femmes sur tous les territoires. 


Féminisme Populaire est présidée par Bouchera Azzouz, qui en plus de cette casquette associative est aussi productrice et réalisatrice de documentaires très personnels comme Nos Mères Nos daronnes ou encore On nous appelait Beurettes. Elle a également été, en 2007, secrétaire générale de l'association Ni pute Ni soumise. 


L’engagement de Bouchera part de son propre vécu et de celui des femmes qui l’entoure, et c’est ce qui lui donne toute sa puissance. Dans cet épisode, elle me livre sa vision du pouvoir, celui de s'émanciper des carcans dans lesquels on voudrait nous confiner et de se réapproprier son récit pour, à travers la puissance des femmes issues de l’immigration et des quartiers populaires, transformer la société dans sa globalité. 



Bouchera Azzouz nous livre sa vision du féminisme populaire comme levier d’émancipation, de pouvoir et de transformation sociale.

Le pouvoir de sortir de ses assignations 


Pour Bouchera, le pouvoir réside donc dans la conscientisation de son être. C’est donc d’abord un pouvoir sur soi, celui de prendre conscience des contraintes qui pèsent sur nous et nous assignent à une place donnée. C’est ensuite un pouvoir plus global, qui permet d’aller à la conquête de la société et donc de sortir du “je” pour s’inscrire dans un “nous”. 


Penser le pouvoir, c’est aussi réfléchir à son pendant inverse : la servitude, mais aussi l’inertie. Pour les femmes issues de l’immigration et qui vivent dans des quartiers populaires, l’inertie consiste à rester dans la représentation que la société se fait de nous, de se limiter aux carcans à la fois culturels et religieux auxquels on nous a assigné. Mais on peut élargir le propos aux femmes dans leur globalité, longtemps réduites à la sphère familiale. 


Son association s’est donc précisément donnée comme mission de donner aux femmes les outils pour sortir de ces assignations, à travers l’éducation, l’accompagnement entrepreneurial, et l’autonomie financière. Une vision intersectionnelle du féminisme qui ne se limite pas aux inégalités de genre, mais adresse aussi la question de la lutte des classes. 


Donner du pouvoir aux femmes, ce n’est pas uniquement prévenir ou réparer les situations de violence, mais aussi et surtout leur permettre d'accéder à leur émancipation économique. C’est sortir les femmes de la sphère privée pour les amener dans la sphère publique. 



La pression des mères


Mais sortir de la sphère privée, notamment en travaillant, peut aussi représenter une double charge pour les mères. Dans les quartiers, la question des doubles journées est abordée par le prisme de la solidarité, les femmes étant par nature des solutionneuses justement parce qu’elles n’ont pas le temps d’avoir des problèmes. 

“Mais même moi qui vous parle, en fait, ce sont mes contraintes de vie de femme qui m'ont conduit à devenir autrice et réalisatrice [...] Tu vas commencer à écrire parce que t'es à la maison, t'as du temps, tu écris, tu réfléchis et c'est comme ça de fil en aiguille que je vais devenir réalisatrice, bon d'abord parce que j'ai des choses à dire, mais aussi parce que c'est un métier qui me permet de concilier mes deux vies.”

Cette nécessité de concilier vie de mère et vie de femme active est d’autant plus forte pour les femmes des quartiers sur qui pèse encore plus durement la pression de la réussite de leurs enfants. Il est en effet plus difficile de les élever dans les cités, de par le manque de moyens, le niveau des écoles ou encore la vigilance accrue dont les mères doivent faire preuve pour que leurs enfants ne glissent pas la délinquance.



Le féminisme populaire comme moteur de transformation sociale 


Ce rapport au monde unique qu’ont les femmes en général, et les femmes issues des quartiers populaires en particulier, est pour Bouchera un formidable levier de transformation sociale. Avec le féminisme populaire, qui part donc des quartiers, on peut repenser la République dans sa globalité pour qu’elle soit réellement porteuse de Liberté, Egalité et Fraternité. 


Avant même d’arriver sur la ligne de départ, les femmes ont en effet un travail titanesque à réaliser. Exclues de la politique, réduites aux tâches domestiques, la question de leur émancipation (à travers la garde d’enfants par exemple) est longtemps restée un impensée. Il y a donc tout un champ à investiguer et à transformer à partir de cette lutte spécifique. 

“Moi quand je suis sortie de Ni pute ni soumise, je suis partie avec cette réflexion-là qu'il fallait absolument objectiver ce féminisme particulier qui était porté par nous, les femmes issues de l'immigration post-coloniale et en même temps issues des quartiers populaires. Poser le fait qu’il y a un féminisme qui organise sa lutte à la fois en travaillant sur la question sociale, c'est-à-dire sur le déterminisme social, mais en même temps avec ses particularités [...] Et donc, le féminisme populaire, c'est pas du tout un féminisme antagoniste ! C'est un féminisme qui s'inscrit dans cette continuité et qui dit finalement quelque chose qu'on n'a jamais dit qui est que l'intégration, quand on la regarde par le prisme du féminin, eh bien c'est comment les femmes vont intégrer ces luttes systémiques.”

La spécificité des dynamiques émancipatrices féministes, comme la pense Bouchera, est donc créatrice d’unité. Elle permet de se questionner sur la normativité des récits dominants, souvent très éloignés de la réalité des vécus féminins et populaires, pour établir un nouveau narratif plus inclusif. Et c’est précisément ce nouveau récit qui transforme la société dans son ensemble et peut rendre la République réellement universelle. 



Dépasser la ligne rouge


L’importance de ces nouveaux récits, qui partent de la base et ne sont pas dictés par une élite, est qu’ils permettent de redonner des nuances et de la joie aux trajectoires personnelles et collectives. Dans le cas des quartiers, ils nous aident à sortir d’une vision très pessimiste de ce qu’est la réalité des personnes qui y vivent. Et pour s’en extirper, il faut accepter que cette réalité est faite de contradictions. 

“Il faut intégrer aussi quelque chose, c'est la contradiction des femmes. Et la contradiction de ma mère, c'est que bien qu'elle, elle a sa vision de l'émancipation, à un moment donné, elle arrive à sa limite. Et la limite, elle est due à plein de choses. Et moi quand j'arrive, je vais aller pousser cette limite. Parce que c'est comme ça, ma mère, elle l'a fait avec sa mère, qu'il l'a fait avec sa propre mère. Et on pousse les limites petit à petit.”. 

On en revient à l’importance de la conscientisation de son être pour prendre pleinement pouvoir de sa vie. Cette conscience permet de s’émanciper pour bouger de la place à laquelle on nous a assigné sans pour autant rejeter en bloc l’héritage dont on est issu. 



Pour conclure cet épisode, je vous invite à échanger avec Bouchera sur ses réseaux et à découvrir l’association Féminisme Populaire à travers son site et à la supporter à travers des dons ou en devenant bénévoles. Elle prévoit notamment de lancer prochainement une plateforme pour remettre plus de mixité dans les quartiers en permettant à celles qui le souhaitent d’aider des projets à y éclore ! 



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